Confinement 

Confinement. Un mot qui sent le renfermé et les provisions de confiture. Un mot ouateux comme un édredon de plumes. Que faisons-nous de ce mot ?

Lorsque le verdict est tombé, je me suis dit À quoi bon ? Qui voudrait encore lire un blog de déco quand nos vies ne tiennent plus en place ? Moins de temps : il faut laver le linge, désinfecter les poignées de portes, les interrupteurs, les robinets, nettoyer trois fois plus les éviers, les lavabos, prendre garde à chaque geste, dévirusser le moindre paquet de pâtes de supermarché, aérer et aérer encore… Moins d’envie : quelle importance ! Autour de nous, beaucoup triment jour et nuit dans une lutte inégale, d’autres meurent si discrètement. Mais finalement il nous reste toujours un peu d’insouciance et beaucoup d’espérance. Alors, si vous êtes comme moi prêts à sourire des blagues qui égayent les réseaux sociaux, vous ne m’en voudrez pas de proposer une distraction à votre quotidien un peu lourd, et encore moins si la distraction est utile.

Je laisse à d’autres le soin de vous aider à surmonter la privation de sport au grand air (je ne peux que vous inciter à utiliser le marchepied Ikea pour faire des séances de step) ou à éprouver l’irremplaçabilité des professeurs (merci à tous ceux qui se dévouent à distance pour leurs élèves). Je vous parlerai seulement de ce que je connais le mieux : vos logements.

confinement_appartement.jpgVoilà une blague d’architecte qui a circulé sur WhatsApp et qui m’a fait beaucoup rire ! Mais elle prête aussi à réfléchir… Descriptif de l’image pour les non ou mal voyants : plan d’un appartement de 3 pièces avec la légende « Je suis en train de regarder sur la carte où je vais aller ce week-end !!! »

Restez chez vous

On nous dit  « Restez chez vous », moi, voilà ce que j’en fais de ce confinement : un coconfinement avec beaucoup d’air frais ! Le cerveau tourne un peu au ralenti, le canapé me tend les bras, la rue est calme à accueillir les chants d’oiseaux. Alors j’ouvre les fenêtres et je regarde les rais de soleil salir la table en verre (mais naaan, je viens de la nettoyer pendant presque une heure au vinaigre d’alcool !). J’apprends la lenteur. Plus précisément l’acceptation de la lenteur. J’apprends à savourer ce temps qui nous est donné pour prendre du recul, changer nos (déplorables) habitudes, ou simplement réfléchir calmement à ce qui nous fait du bien.

confinement_illustration_Mad-moiselle-C_Agence-Marie-BastilleIllustrations Mad’moiselle C, Agence Marie Bastille Descriptif de l’image pour les non ou mal voyants : 1. une jeune femme à sa fenêtre hume l’air extérieur, 2. une jeune femme sieste sur le canapé avec plaid et coussins. Tout à fait moi, la jeunesse en moins !

Voilà déjà plus de 5 semaines que nous sommes bloqués chez nous. Tout le monde n’est pas logé à la même enseigne (au propre comme au figuré), nous sommes d’accord. Il n’est évidemment pas comparable de passer ces semaines de réclusion à 6 ou 8 ou plus dans 50m² sans balcon, ou de disposer d’une grande maison avec jardin. Mais tous, où que nous soyons, nous vivons une expérience commune, unique. Nous ne pouvons qu’espérer qu’elle ne se reproduira pas (et il est certain que jamais elle ne se reproduira dans les mêmes circonstances, dans la même insouciance, dans la même impréparation). Mais plutôt que de subir, nous pouvons mettre à profit ce temps pour constater ce qui frictionne dans notre quotidien et réfléchir aux façons de fluidifier notre intérieur. Apprendre, comme dit la chanson, à préférer notre « chaumière au palais d’un roi ».

confinement_illustration_Three-Koma.JPGIllustration Three Koma, Agence Marie Bastille

  • Réaliser des travaux de grande envergure ? Vous ne pouvez pas, là, tout de suite, maintenant, pousser les murs ou engager des travaux de rénovation, mais vous pouvez profiter de la parenthèse imposée pour faire quelques projets, étudier des espérances, griffonner des idées laissées en suspens. Ou simplement prendre la décison de faire appel à un professionnel pour vous aider à concrétiser l’impossible, dès que possible. Si vous le souhaitez, vous pouvez consulter mes réalisations sur le blog ou à la rubrique réalisations (que je n’ai toujours pas trouvé le temps de mettre à jour !). Mais surtout, vous DEVEZ lire le paragraphe suivant : comment cohabiter ?
  • Faire des petits travaux de bricolage ? Là encore, il n’est pas encore question de faire découper un verre à la bonne dimension ou de se lancer dans la pose de moulures décoratives si on ne les a pas achetées à l’avance, mais il est tout à fait possible de réaliser un certain nombre de tâches (rébarbatives) sans cesse remises au lendemain mais qui nous feront tant de bien quand nous les aurons faites : cirer le buffet de Tante Josette, recoller une latte de parquet ou un coin de moquette, remettre de l’ordre dans la boîte à outils… On peut, si besoin, passer commande de certains accessoires sur des sites internets qui restent actifs durant le confinement (mais qui dit commande dit livraison ; à vous de voir si cette interaction sociale est indispensable). On peut surtout associer les enfants à des activités de bricolage faciles et ludiques : décorer une caisse de vin pour la transformer en table de nuit, coller des patins de feutre sous les pieds des chaises ou même apprendre (en suivant un tuto) à remplacer l’interrupteur d’une lampe. Profitez aussi de tout ce temps passé à la maison pour repérer ce qui doit être fait et lister les petites réparations futures.
  • Faire tourner les meubles ? Pourquoi pas ! La période est propice à prendre de nouvelles habitudes. Si vous avez un logement suffisamment grand et si vous aimez le changement, n’hésitez pas à modifier votre plan d’ameublement. Mais gardez à l’esprit que, la plupart du temps, surtout dans les logements exigüs, il existe une solution optimale qui permet une fluidité visuelle et fonctionnelle. Et ce plan n’est pas toujours facile à trouver : comme me l’a dit il y a peu une de mes cliente, perplexe devant un séjour atypique, « je ne vous ai pas fait venir pour rien »!

3_cles_bois_wall-art-frLes clés d’un confinement serein : un cadre de vie paisible et fonctionnel, et une place pour chacun. Photo : 3 clés décoratives en bois compressé plaqué acajou, Wall-Art.

Comment cohabiter ?

La question qui se pose à tous est : comment faire cohabiter les membres de la famille dans un espace clos ? (l’architecte d’intérieur Maïlys Dorn vous dira que cohabiter avec soi-même ce n’est déjà pas si simple !) et cette question doit précéder toute prise de décision hâtive. Ce n’est ni dans la précipitation ni dans l’énervement qu’on règle des problèmes structurels, mais la période si particulière que nous vivons peut nous aider à réapprendre à cohabiter. Certes notre logement n’est pas fait pour y habiter à 100% du temps, sans respiration extérieure, car nous avons besoin du dehors, mais je vous invite à observer tout de même en ce moment votre façon d’habiter, parce que ce confinement est une occasion unique de mettre en évidence ce qui peut être amélioré dans votre logement.

  • Habiter c’est se loger, c’est à dire dormir mais aussi se nourrir, se vêtir, travailler parfois (beaucoup en ce moment), avoir des interactions sociales.
  • Co-habiter c’est habiter avec les autres, plus particulièrement avec les membres de sa famille (ou les membres d’une colocation, ou les pensionnaires d’une maison de retraite, etc.).
  • Cohabiter ce n’est pas vivre chacun à côté les uns des autres mais vivre ensemble en bonne harmonie.
  • Même si on vit seul, cohabiter c’est aussi laisser la place à l’accueil. Préparer son intérieur pour mieux l’ouvrir aux autres est peut-être un bon moyen de vivre mieux cet isolement forcé.

Cohabiter : jouer une partition commune où chacun a sa place. Photo : 4 petites mains et 2 grandes sur le clavier du piano ! (Les petites mains sont celles de Petit A et Petit T)

En pratique, cohabiter c’est laisser une place pour chacun :

  • Dans l’attribution des espaces de vie : Ne peut-on pas aménager un espace personnel pour chacun dans la chambre des enfants ? La chambre parentale est-elle un sanctuaire privé ou une pièce de passage ? L’ensemble de la maisonnée respecte-t-elle les espaces communs à la famille ?…
  • Dans le fonctionnement quotidien : si le dentifrice est rangé sur une étagère inaccessible, que tous les porte-manteaux sont accrochés à hauteur d’adulte ou que la cuisine n’est pas kids compatible, comment espérer que les petits apprennent les gestes d’autonomie / libèrent du temps pour leurs parents / sachent qu’ils ont leur place dans la famille / apprennent l’incroyable valeur de leurs tout petits gestes du quotidien ?

Alors, oui, c’est bien joli tout ça, mais en ce moment on co-confine les uns sur les autres : on n’est pas organisé pour faire travailler les enfants à la maison (mais siii… En 5 semaines, vous avez eu le temps de trouver des solutions, même imparfaites), on n’a pas toujours un coin à soi suffisamment à l’écart pour paraître pimpante et détendue à la moindre conf’call (mais si encore, vous vous débrouillez finalement très bien, lisez la fin de l’article !), on n’a pas l’habitude de préparer 14 repas par semaine (soit 72 repas depuis le début du confinement ; je parie que vous n’avez pas pris 72 fois de la pizza)… Oui, en effet, tout ça n’est pas au programme habituel et nous demande un effort. Mais ça tombe bien, l’être humain est capable de toutes les adaptations. On arrive même (parce qu’on n’est pas des Playmobil) à tousser dans notre coude alors qu’on nous a toujours appris à mettre la main devant notre bouche ! Je laisse donc en suspens la question de la vie à plusieurs en vase clos… Prenez si vous pouvez un peu de recul et vous serez déjà bien fier d’avoir franchi un obstacle aussi haut sans trop de casse. Profitez des quelques temps morts que vous laissent les journées d’agitation pour imaginer sereinement l’après : s’il arrive que mon enfant doive travailler à la maison plus souvent que prévu, ne serait-il pas opportun de prévoir un coin bureau dans sa chambre ? Si je pouvais désormais télé-travailler à mi-temps, serait-ce au séjour avec l’ordinateur sur les genoux ou plutôt dans un bureau à part ? Si les grands enfants ont pris goût aux plats légers préparés à la maison, puis-je organiser la cuisine pour qu’ils y prennent à l’avenir leurs repas plutôt qu’à la cantine ? Que la réclusion, synonyme de conditions de vie extrêmes et parfois de tensions exacérbées, soit le creuset d’idées géniales à laisser s’épanouir !

Farrow-and-Ball_inspiration_chambre-d-enfantDans une chambre d’enfant, on a différencié les espaces de deux lits jumeaux par la peinture de blocs de couleur aux murs, dans de jolis camaïeux de bleus. Photo d’inspiration Farrow & Ball.

Primordiale fonctionnalité & indispensable harmonie

Il n’y a pas, dans une maison, d’organisation rationnelle et efficace sans un minimum de réflexion architecturale en amont. Mon propos peut paraître rude, mais l’expérience prouve que c’est dans ce qui semble un détail que viennent se loger les failles. Je ne peux pas dire mieux que Maïlys Dorn dont je me permets de citer l’article Vous n’habiterez plus jamais comme avant : « Votre maison est pratique, ou elle ne l’est pas. Et même avec la plus belle décoration du monde, même avec une maison épurée : votre maison vous en fera baver, si vous n’avez pas réfléchi votre agencement en étudiant vos mouvements quotidiens dans le moindre détail. » Comment placer les meubles auxquels on tient si chaque pièce a 3 portes, sans compter les placards ? Comment désengorger la salle de bain si celle-ci contient aussi les toilettes ? Comment éviter le dressing qui déborde si on n’a pas pris soin d’en adapter la capacité à nos habitudes vestimentaires ? Comment brancher des lampes de chevet si les prises sont coincées derrière la tête de lit, ou pire, placées contre un autre mur ? Pour être fonctionnelle et fluide, la maison doit être pensée à l’avance en fonction de VOS besoins, de VOS habitudes personnelles ET familiales. Rien n’est irrémédiable mais, lorsque vous entreprenez une rénovation, il est primordial de vous poser les bonnes questions avant de vous lancer tête baissée pour changer le papier peint ou repeindre le plafond. Une fois cette décoration refaite, il sera trop tard pour faire des saignées électriques dans les murs… Je vous propose de réfléchir à tête reposée, de profiter que toute la maisonnée est recluse pour observer les besoins de chacun et les besoins communs, de décider peut-être qu’un avis professionnel serait le bienvenu…

L-habitation-pratique_couverture_revue_1908Couverture de la revue mensuelle L’habitation pratique, parution de décembre 1908, dans le magnifique style Art nouveau que j’ai appris à connaître et à aimer (tellement tendance !).

Adepte de la maison pratique, je le suis aussi de la maison harmonieuse. On ne le dira jamais assez, la sérénité de l’esprit passe beaucoup par l’harmonie du cadre de vie. Il ne s’agit pas de transformer son logis en intérieur de magazine déco. L’harmonie n’a rien à voir avec le dernier cri des tendances déco ! Il s’agit d’apprendre à se sentir bien chez soi. Je vous donnais ici 3 clés du problème C’est quoi une déco moche ? : Une déco sans harmonie, une déco sans personnalité, une déco sans vue. Il est peut-être temps, maintenant que vous l’avez sous les yeux à chaque minute, de vous préoccuper de cet environnement immédiat qu’est votre maison.

  • Poser un regard neuf : pourquoi ne pas commencer par la pièce où vous passez le plus de temps ? Pas forcément pour tout changer maintenant (ce n’est pas bien le moment quand la dite-pièce est si remplie de jouets, de livres d’école, de tapis de yoga) mais pour ouvrir les yeux et porter un regard différent sur notre intérieur. Je vous l’ai déjà souvent dit, la photographie est un excellent révélateur. Si vous avez un doute sur votre déco, prenez une photo ! Le but n’est pas d’en faire un tirage sur papier glacé, mais vous y détecterez sûrement quelques détails à améliorer. Et si ça vous pique vraiment les yeux, je suis là pour vous aider !
  • Mettre d’autres sens en éveil : profiter du silence des moteurs pour écouter notre intérieur (dans tous les sens du terme mais je suis ici pour vous parler de maisons…) ; écouter le parquet craquer et découvrir benoîtement que nos talons gênent peut-être le voisin du dessous (il est temps de revoir l’isolation phonique), éprouver la caresse de l’air tiède par la fenêtre ouverte et se dire qu’on devrait habituellement aérer plus souvent (et vérifier le fonctionnement de la VMC), se frotter 20 fois par jour à l’éternel crépi du couloir et réaliser qu’on a jamais pensé à décorer ce mur autrement (si vous rêvez d’un panoramique, prenez le temps de choisir)…

Ikea_palette_couleurs_2018-05Un intérieur harmonieux n’est pas forcément en ordre impeccable, mais il est reposant pour les yeux, simple et joyeux ! Photo Ikea. Notez au passage que c’est une photo publicitaire qui ne prend pas en compte la base de l’ameublement d’une chambre, à savoir que le lit doit être appuyé au mur, au mieux par la tête, au pire par un côté… Je ne suis par experte en Feng-Shui, mais je sais que personne n’a jamais bien dormi dans un lit flottant au milieu d’une pièce…

Et si ce n’était pas si grave ?

Le prolongement de notre confinement nous oblige à déployer des trésors d’inventivité pour rester en contact avec ceux que nous aimons, ou pour manifester notre soutien à ceux qui se dévouent pour la santé de tous. Je déplore au passage l’expression « distanciation sociale » tout à fait inappropriée pour parler du respect des distances physiques indispensables ; nous ne sommes heureusement pas obligés de respecter une distance sociale ni de distendre les liens sociaux qui nous unissent. Profitons donc des réseaux sociaux pour converser et partager !

En regardant vidéos et reportages tournés par chacun chez soi, je remarque qu’on entre désormais très facilement dans l’intimité des familles : qu’ils chantent, dansent, discourent, devisent ou télétravaillent, tous les individus se filment dans leur décor quotidien. On voit, derrière eux, des intérieurs spacieux et lumineux, des terrasses fleuries, des chambrettes proprettes, des cuisines à l’inox miroir, mais aussi des séjours éclaboussés de coussins et de jouets d’enfants, des balcons aux dalles verdâtres bordées d’herbes folles, des éviers débordant de vaisselle sale, des lits défaits, des bureaux aussi désordonnés que le mien… À aucun moment je ne me dis Cette déco est moche ! J’admire la capacité de chacun à faire abstraction de son cadre de vie temporairement imposé pour se concentrer sur le message qu’il veut transmettre. J’admire la façon totalement décomplexée qu’on certains de se présenter dans un désordre innommable, sans la moindre gêne (parfois même avec un peu d’ostentation ironique). Cela m’interroge sur le décalage avec les excuses embarrassées qu’expriment souvent mes clients lorsque je rentre chez eux : « Ne regardez pas le désordre » ! Et si nous allions vraiment vers plus de simplicité, vers plus de vérité ? Si nous acceptions que nos intérieurs ne soient pas ceux des magazines de décoration ?

Pinterest_coconfinement_matelas_palette_coussins_Homelisty.jpgUn simple matelas en toile bleue, posé sur une palette à même le sol, prend des airs très décoratifs agrémenté de coussins bleus et blancs, d’un panier rond fourre-tout ou range-revues, assorti à un autre plus petit qui sert de cache-pot à une grande plante verte, et d’un petit tapis rond. Rien d’extraordinaire dans les accessoires utilisés pour ce coin détente, mais une impression de tranquille décontraction qui donnerait presque envie que le confinement dure plus longtemps… Photo via Pinterest.

Que ce confinement soit MOUVEMENT vers un mieux mais aussi ACCEPTATION de nos faiblesses.

Je vous prépare un article « Et après ? Ce qui va irrémédiablement changer dans nos modes d’habitation ».

Bon courage à tous !

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