Comment faire des économies d’énergie dans la chambre ?

Comment réchauffer son lit sans chauffage ?

La « sobriété énergétique » a récemment été remise à l’ordre du jour, tant pour des questions d’économie domestique que par nécessité environnementale. Il est bon parfois de se remettre en question en regardant sans mépris les moyens que nos ancêtres employaient pour pourvoir à leurs besoins en chauffage, dans un contexte bien plus précaire que le nôtre. La grande attention que vous avez portée à mon précédent article Un chauffage traditionnel à accumulation : le poêle de faïence alsacien (l’un des articles les plus consultés de ce blog), prouve que vous êtes nombreux à rechercher des solutions pertinentes, et que vous considérez à juste titre qu’il peut exister des réponses ancestrales (de bon sens) aux problématiques contemporaines.

Dans le cadre de mes recherches sur l’aménagement des maisons alsaciennes, je vous ai déjà parlé de
la chaise traditionnelle d’Alsace
et du Kachelofe, poêle de faïence traditionnel alsacienJe vous propose aujourd’hui de découvrir les Bettsteine, pierres de lit ou briques chauffe-lit en terre cuite.
Ces 3 articles relatifs à l’intérieur des maisons alsaciennes sont publiés, avec quelques variantes, à la fois sur ce blog de décoration et sur le blog Généalogie Alsace.

La Bettstein (pierre de lit) est l’ancêtre de la bouillotte !

Dans la maison alsacienne, la Stùb, ou pièce commune est la seule pièce qui soit directement chauffée par le Kachelofe, le poêle de faïence traditionnel. Les chambres, à l’étage, ne profitent qu’indirectement et faiblement de la chaleur, par le dessous. Pour adoucir les nuits fraîches, il est donc indispensable de chauffer les draps souvent humides avant de s’y glisser… En Alsace, mais aussi dans d’autres régions de poterie comme la Bourgogne, on utilise une brique de terre cuite. Cet ustensile de chauffage mobile, probablement utilisé au moins depuis le XVIe siècle, a connu son apogée au XIXe.

Source image : Wikicommons, « Musée alsacien de Strasbourg : briques chauffe-lits (Bettstein), fers à repasser, chaufferettes, bouillotes », photo de Ji-Elle.

La Bettstein, faite de terre réfractaire, a la caractéristique de résister à la chaleur, de la stocker puis de la restituer pendant plusieurs heures, grâce à sa forte inertie thermique. C’est en outre un matériau peu onéreux, donc un moyen de chauffage que peuvent se permettre même les familles les plus modestes. À défaut de brique de terre cuite, il est possible d’utiliser une pierre naturelle chaude : pierre de rivière ou pierre serpentine (que l’on trouve en Saxe dès le XVIe siècle) capables de stocker la chaleur.

Mode d’emploi des Bettstein. Les briques sont chauffées sur la cuisinière ou sur le poêle, ou directement dans le four, afin qu’elles emmagasinent la chaleur. Le soir, sorties avec précaution, elles sont enveloppées dans un linge épais (qui protège le linge de lit et le dormeur des brûlures) et glissées entre les draps où elles diffusent lentement la chaleur. Le nombre de Bettsteine de la maisonnée varie selon le niveau de vie : une ou deux seulement dans les familles modestes, jusqu’à une par personne chez les plus aisées.

Inscription Bettwärmer (chauffage de lit) au dos d’une brique en terre cuite non vernissée. Source image : Wikipedia /Bettstein

Serpentinstein : pierre de lit en sepentine, 1880. Source image : Wikipedia /Bettstein

De forme ronde, ovale ou rectangulaire, la Bettstein est presque toujours percée d’un ou deux trous qui permettent de la manipuler sans se brûler, à l’aide d’un bâton, d’un pic ou d’une pince.  On dénombre parfois jusqu’à quatre ou six trous (disposés de façon symétrique) dont la fonction est aussi une meilleure diffusion de la chaleur. Les Bettsteine de forme circulaire, percées d’un seul trou, sont plus élégantes et prisées par les plus riches.

La Bettstein peut être décorée et personnalisée. Dans sa version de base, elle  en terre cuite brute, constituée d’argile réfractaire cuite à 1300°C. Mais la terre cuite est souvent vernissée (recouverte d’une glaçure qui durcit à 1020°C) pour lui donner un plus bel aspect. Des décors (géométriques, floraux, animaliers…) peuvent y être façonnés en relief ou peints. Sur les Bettsteine circulaires, les dessins porte-bonheur sont disposés en cercle autour du trou. Dans les familles les plus aisées, il était d’usage de personnaliser les pierres de lit : à partir de six ans, chaque enfant en recevait une pour son propre couchage, parfois marquée à son prénom.

Brique chauffe-lit en terre cuite vernissée, décorée d’un cerf, avec les initiales LB. Muséee alsacien de Strasbourg. Source image : Wikipedia /Bettstein

 

Brique chauffe-lit en terre vernissée et terre réfractaire, XIXe siècle, provenant d’Alsace Bossue (Bas-Rhin), marquée sur le revers au nom de la « Famille Ledermann ». Musée Alsacien. Source image : Musées de la Ville de Strasbourg.

« MADMOISEL MATHILDE » ! Brique chauffe-lit (Bettstein) ovale en terre cuite, personnalisée au prénom de l’utilisatrice. Musée alsacien de Strasbourg. Source image : Objets d’hier / Brique chauffe-lit

Brique chauffe-lit (Bettstein) ronde en terre cuite, percée d’un trou en forme de coeur. Musée alsacien de Strasbourg. Source image : Objets d’hier / Brique chauffe-lit

Autres « chaufferettes » et ustensiles portatifs utilisés pour chauffer les lits :

« Dans les milieux aisés, près de la frontière lorraine, on utilise des ustensiles en métal : bassinoires en cuivre, bouillottes en étain ou en cuivre en forme de bouteille, mais aussi cruches en grès de Betschdorf. » (Source : Association Vieil Erstein / L’âme des maisons alsaciennes / Le chauffage / Les pierres « chauffe-lit »)

« Dans les Vosges et les villages éloignés des centres de poterie, on utilise des moyens plus rudimentaires : sachets de toile garnis de noyaux de cerises, galets le long du Rhin, sable dans des bouteilles en grès appelées « moines » dans la plaine de la Hardt et la forêt de Haguenau. » (Source : Association Vieil Erstein / L’âme des maisons alsaciennes / Le chauffage / Les pierres « chauffe-lit »)

« Les briques modernes peuvent être colorées grâce à un engobe qui la recouvre et qui est visible sous le vernis transparent : le panel de couleurs n’est pas très attrayant : caramel, brun, vert, marron ou laissées au naturel. Elles sont nombreuses à porter des inscriptions sur une ou les deux faces. Il s’agit du nom du produit : « chauffeuse » ou de l’entreprise qui l’a fabriquée, permettant parfois d’en deviner la région d’origine. Les dimensions moyennes, pour une brique classique, sont 22 cm de long, 11 cm de large et 3 cm d’épaisseur, pour un poids avoisinant un kilo ou un peu plus.  La brique chauffe-lit fut utilisée jusque vers 1960 et l’une de ses dernières évolutions techniques est la « Thermobric » cylindrique. » (Source : Objets d’hier / Brique chauffe-lit / Objets du quotidien)

Brique chauffe-lit portant l’inscription « Chauffeuse Moderne » dans une police d’écriture Art nouveau (période 1890-1915). Source image : Passé Moderne / Objets de brocante #1 : la brique chauffe-lit

Bettstein XXe siècle en terre cuite vernissée bleue. Source image : Amazon

Sources :

Pourquoi ne remettrions-nous pas à la mode ce système de chauffage d’appoint simplissime, à la fois écologique et économique ? Personnellement, je me sers quotidiennement de mes dessous de plat carrelés pour me chauffer le dos à la fin du repas ! Je glisse même mes dessous de plat dans le four encore chaud, juste après en avoir sorti un gratin ou une tarte… Il n’y a aucune raison de laisser se perdre une chaleur bienfaisante, doucement diffusée par le matériau de terre cuite ! J’ai toujours un gros coup de coeur pour les carreaux mexicains, mais nous avons aussi en France de formidables artisans d’art capables de fabriquer des objets utiles et beaux. Je vous recommande sans réserve les Céramiques du Beaujolais, à qui je vais d’ailleurs suggérer de remettre au goût du jour les pierres de lit !