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Après une longue interruption estivale, je reprends avec vous la lecture de l’ouvrage de 1965 Maîtresse de jeune maison dont la désuétude m’amuse et m’inspire. Nous avions en juin analysé l’évolution du coin toilette ; découvrons aujourd’hui « le coin repas » dans la partie consacrée à « La maison… Comment l’aménager pour mieux vivre ».

Par suite de l’exiguïté des logements et de la quasi disparition des domestiques, la salle à manger, pièce uniquement réservée aux repas, tend à disparaître. Notre goût de l’espace nous fait préférer à deux petites pièces, une grande pièce réunissant salle à manger et salon. D’autre part, est-il raisonnable, lorsque la place est si précieuse, d’immobiliser une pièce qui restera inutilisée 20 à 22 heures sur 24 ?

Alors où prendre ses repas ? Dans la cuisine si les dimensions le permettent ; le plus souvent dans le séjour.

Maîtresse de jeune maison, éditions Hatier, 1965

Je reproduis ci-dessous les 3 exemples proposés. Vous n’y verrez rien d’exceptionnel à première vue mais, si vous prenez quelques minutes pour les analyser avec moi, vous conviendrez qu’ils témoignent (comme c’était le cas pour le coin toilette) d’une étonnante modernité. D’une part, ils sont le reflet de la mutation sociale d’après guerre qui voit l’émergence d’une importante classe moyenne (disparition progressive des maisonnées au service prolifique et accession des familles populaires à un plus grand confort). D’autre part, ils marquent une volonté de simplification de la vie quotidienne (diminution du temps passé par les femmes dans « leur » cuisine et fluidité de circulation). Le succès du « Salon des arts ménagers » n’est pas seulement un hymne au progrès technique, c’est aussi une réponse à la double vie des ménagères qui travaillent à l’extérieur et doivent faire face à l’accélération du rythme quotidien.

Maitresse-de-jeune-maison-1969-coin-repas-dans-cuisine1. « Un coin repas dans la cuisine »

Maitresse-de-jeune-maison-1969-cuisine-separee-sejour2. « La cuisine et le séjour sont ici séparés par un meuble en épi. »

Maitresse-de-jeune-maison-1969-passe-plats3. « La cuisine communique avec le séjour par un passe-plats. »

On notera bien sûr avec amusement dans ces 3 exemples les matériaux utilisés, le mobilier et les accessoires : c’est l’apogée du formica et du carrelage, des chaises moulées et des grandes baies vitrées occultées par des rideaux bariolés. Mais aucun des 3 agencements de cuisine ne correspond aux habitations de l’époque : ni aux grands ensembles immobiliers des années 60-70, ni aux pavillons de banlieue des années 70-80. Ces logements HLM et ces maisons individuelles avaient en effet pour la plupart une cuisine séparée du séjour, généralement de forme « couloir », où il était bien difficile de caser une table de repas. La cuisine ouverte était encore appelée « cuisine américaine » avec des étoiles dans les yeux ! Rêve inaccessible pour la plupart, apanage de quelques ménages fortunés pour lesquels modernité rimait avec États-Unis d’Amérique.

« L’Amérique, l’Amérique, je veux la voir et je l’aurai… ».

Finalement, en France, il faudra attendre la fin des années 90 pour que la gestion de l’espace devienne une priorité dans les lieux de vie et que la cuisine s’ouvre sur la pièce principale du logement… mais la cuisine ne sera pas américaine, elle sera suédoise !

Coin repas_cuisine ouverte_IKEALa cuisine au centre de la vie quotidienne. IKEA France

Les 3 exemples proposés ici font figure avant-gardiste puisqu’ils décrivent une étape que nous avions sautée en passant du tout fermé au tout ouvert : des solutions de cloisonnement partiel auxquelles notre XXIe siècle réfléchit désormais beaucoup. Vive les verrières et les passe-plats !