grasset_l_larousseLa copropriété d’un immeuble typiquement Art nouveau, en proche périphérie de Paris, m’a confié le projet de rénovation des parties communes (hall et cage d’escalier). Cet immeuble a subi, au début des années 1990, une rénovation pour le moins hasardeuse et s’est couvert de papier peint à grosses fleurs roses de l’entrée jusqu’au couloir des chambres de service… Changer cette décoration dans le respect de l’histoire du bâtiment est un passionnant défi ! Je vous invite donc à un voyage dans le temps pour redécouvrir avec moi les codes graphiques de l’Art nouveau et suivre le projet qui m’occupera pendant un mois*.

L’Art nouveau, à ne pas confondre avec l’Art déco qui lui succédera, est un mouvement artistique qui naît à la toute fin du XIXe siècle, dans tous les domaines des arts décoratifs : architecture, décoration, illustration et graphisme, mobilier, bijouterie, accessoires… La période Art nouveau s’étend de 1890 à la première guerre mondiale, avec un apogée autour de 1905. Le mouvement né en France s’étendra rapidement dans toute l’Europe et jusqu’aux Etats-Unis. Il trouve son inspiration principalement dans l’observation et l’imitation de la nature mais aussi dans les arts d’Extrême-Orient (japonisme).

Dès les années 1860, William Morris en Angleterre et Eugène Viollet-le-Duc en France prônent un renouveau stylistique. Mais le véritable révélateur du nouveau style qui s’impose dans la dernière décennie du XIXe siècle est Eugène Grasset.

Eugène Grasset, graveur, affichiste et décorateur (1845-1917) fut l’un des initiateurs de l’Art nouveau. Né en 1845 en Suisse, il s’installe à Paris en 1871 pour s’y consacrer aux arts décoratifs. Il  dessine de nombreuses affiches reconnaissables à la grâce des personnages féminins qu’il met en scène. « L’œuvre de Grasset est peuplée de figures féminines qui ont la grâce des héroïnes. » nous dit-on joliment dans le blog Héraldie.

  grasset_calendrier_belle_jardiniere_novembre_1896  grasset_calendrier_belle_jardiniere_decembre_1896

Calendrier du magasin « La belle jardinière » illustré par Eugène Grasset, mois de novembre et décembre 1896.

L’artiste est surtout connu pour avoir transformé en 1890 le premier logo des éditions Larousse, où la fleur de pissenlit accompagne la devise « Je sème à tout vent » (logo et devise inventés par l’architecte et décorateur Emile Reiber dès 1876). « La Semeuse » de Grasset devient l’emblème de Larousse. C’est aussi pour Larousse que Grasset imagine en 1897 les lettrines de l’alphabet, dit Le Grasset. Ces nouveaux caractères d’imprimerie seront présentés à l’exposition universelle de 1900 et la diffusion de cette typographie d’un nouveau style sera assurée par la fonderie Peignot & fils.

alphabet-grasset-lettre-aGrasset_Larousse_illustré_1897-1904Lettre A de l’alphabet Grasset et couverture du nouveau Larousse illustré de 1897

En 1896, Grasset publie un recueil de botanique appliquée à l’art : La Plante et ses applications ornementales. Ces planches botaniques, d’une grande finesse, témoignent d’une observation rigoureuse de la nature et sont déclinées en une infinité de motifs décoratifs stylisés. Les fleurs sont à l’honneur, surtout celles dont les particularités permettent une reconnaissance immédiate de l’espèce en dépit des métamorphoses graphiques : feuilles ciselées des géraniums sauvages, pétales découpés des lys, iris, pervenches ou chrysanthèmes, clochettes des perce-neige ou du muguet, grappes de glycine, volutes des capucines ou du liseron… Les fleurs et leur feuillage développent leurs courbes de façon linéaire (frises), répétitive (papiers peints), circulaire (éventails, assiettes). Une grande partie des codes décoratifs de l’Art nouveau découle de cette œuvre majeure.

grasset_chardon_pl58E. Grasset, La Plante et ses applications ornementales, Planche n°58 : le chardon (dessin botanique)

grasset_chardon_pl59  grasset_chardon_pl60

E. Grasset, La Plante et ses applications ornementales, Planches n°59 et 60 : le chardon (applications ormementales). NB : Toutes les illustrations de cet article ont été piochées sur Pinterest.

Les appellations de l’Art nouveau : « L’expression « Art nouveau » consacre un phénomène exprimé sous un grand nombre d’appellations, et, parfois, de sobriquets : en Autriche et en Allemagne, le Jugendstil (« style des jeunes ») succède au Neustil (« style nouveau »), tandis que le Sezessionstil (« style de la Sécession ») reste cantonné à Vienne. Les États-Unis connaissent le style Tiffany, la Grande-Bretagne le mouvement Arts and Crafts, les Pays-Bas le Nieuwe Kunst et la Belgique le mouvement ou ligne belge et le style Horta. En Espagne, on parle de Arte joven ou de modernismo, en Italie de Stile floreale ou de Stile Liberty, de style 1900, nouille, métro, voire rastaquouère en France.  » (source Encyclopédie Larousse).

e-grasset_ouvrages_ferronnerie_grilles-3Magnifiques dessins de grilles en fer forgé parEugène Grasset dans « Ouvrages de ferronnerie » (1900-1910 ?). Source Numerikos.

PS : Je cherche à visiter des halls et escaliers immeubles 1900 à Paris !

Afin de mener à bien ce projet de décoration, je cherche à m’inspirer de réalisations d’époque 1890-1920 (immeuble « dans son jus » ou restauré dans les règles de l’Art) mais je suis confrontée au problème d’accès aux immeubles.
Si vous habitez, à Paris ou en proche périphérie, un immeuble d’époque Art nouveau particulièrement remarquable et que vous voulez bien me consacrer quelques minutes de votre temps (ou simplement m’ouvrir le porche !), je vous serais très reconnaissante de bien vouloir me permettre de visiter entrée, hall, escaliers… Les parties communes de votre immeuble m’intéressent même si elles ne constituent pas un ensemble cohérent ! J’aimerais voir tous les petits détails architecturaux et décoratifs qui font la richesse et le charme du décor 1900 (revêtement des murs, sols d’origine, éclairage, moulures, mosaïques, vitraux…) et les solutions adoptées pour adapter l’immeuble au confort moderne (ascenseur, câblages divers). Merci !

*Tout en restant discrète sur les détails du projet, je vous livre dans ce blog une partie du fruit de mes recherches, en accord avec la copropriété de l’immeuble concerné.