VUE SUR SEINE, NOUVELLE PARISIENNE

Pour fêter (avec quelque retard) les 3 ans de ce blog et la nouvelle année, je vous offre une semaine de lecture… 8 jours de littérature de mon cru, une nouvelle très classique écrite en 2008 pour un petit exercice-jeu entre amis de bonne compagnie (les mots et expressions en italique dans le texte sont des mots ou tournures grammaticales imposés). Unité de temps, unité de lieu, unité d’action ; une semaine de la vie d’un très haussmannien immeuble parisien en bord de Seine…

Prenez un bon siège ; je vous invite à découvrir un siège-coup-de-cœur par jour, un pour chaque tranche de nouvelle de la semaine (vous êtes tout de même sur un blog de déco !).

fauteuil Taffee Riva1920Un « petit noir » pour bien commencer la journée : fauteuil tasse à café « Taffee » de Riva1920. Bonne lecture !

@ Vue sur Seine, jeudi

Petit matin. Six heures trente. L’heure de rentrer les poubelles. Jeudi : ordures ménagères et emballages. Un coup d’œil dans le hall d’entrée de l’immeuble. Trois poussettes au pied de l’escalier. Celle de Madame Lormeau traîne encore dans le passage. Rien à faire avec ces gens-là. Pourtant pas compliqué de ranger les poussettes les unes à côté des autres.

Sur le trottoir, une camionnette de livraison est garée juste devant le portail, elle aussi au milieu du passage. Pas moyen d’se faufiler avec les containers à ordures.

– Faut déplacer vot’ camion, j’peux pas passer.

– Attends cinq minutes bonhomme, moi j’travaille, moi !

– Ah, elle est bonne ! J’me tourne les pouces peut-être, gardien d’immeuble c’est pas un boulot ?

Pas de réponse. Un chariot encombre le trottoir, surmonté d’un empilement de caisses en équilibre instable. Y’a plus qu’à attendre.

Sept heures précises. L’heure de Monsieur Beauchêne qui sort acheter le journal. Pas une minute de retard. Réglé comme une horloge celui-là. Après, on le verra plus de la journée. Restera enfermé dans son appartement jusqu’au lendemain matin.

– Bonjour Monsieur Beauchêne

– Hum…

– Vous avez vu l’niveau d’la Seine c’matin ?

– Sans doute. Vous aurez aujourd’hui, je l’espère, le temps de vous enquérir auprès des jeunes familles de la possibilité de ranger les voitures d’enfant ailleurs que dans le hall.

– Ben, c’est qu’il y’a pas vraiment d’autre endroit ! J’vais voir avec les locataires pour qu’ils les remontent.

Trois poussettes, c’est quand même pas bien encombrant. La poussette-canne, c’est celle de Madame Lormeau, troisième gauche, avec son gamin de quatre ans qui pourrait bien marcher tout seul à son âge. Le grand landau d’autrefois, ça c’est les Racine, deuxième droite ; pas facile à trimbaler dans un escalier un engin pareil, trop large pour rentrer dans l’ascenseur, même quand il n’est pas en panne ; faudra qu’ils s’débrouillent jusqu’au second. La poussette trois roues, c’est les Roseau ; sont arrivés y’a trois mois du quartier du Marais ; genre bo-bo qui a tout c’qu’il faut mais qui a toujours l’air de manquer. C’est pas moi qui leur monterai leur poussette au cinquième.

@ à demain pour la suite…